CHAPITRE XVI

 

Après avoir passé des heures à dériver en profondeur, Leia et Cilghal nageaient maintenant près de la surface. Des algues iridescentes les entouraient, tournoyant dans le courant, agitées par la tempête qui se déchaînait. Les plantes formaient une forêt peuplée de crustacés et de milliers de poissons bulles. La plupart étaient minuscules, mais l’ombre de bêtes inconnues passant avec lenteur au-dessus de leur tête assombrissait parfois le paysage.

      Quand Ackbar était plus jeune, il avait un abri par ici, dans cet enchevêtrement d’algues, souffla Cilghal. Les poissons ont remarqué son retour et, malgré leur mémoire limitée, ils se sont passés le mot jusqu’à ce que l’information atteigne les banques de données des mollusques.

Cela faisait des heures qu’elles nageaient et Leia commençait à souffrir. Elle se serait sans doute déjà évanouie sans la combinaison organique qui revitalisait ses muscles.

      Je veux juste lui parler…

Elle vit enfin une sphère de plastacier nager entre deux eaux, emmêlée dans les vrilles des algues qui avaient décidé de l’ajouter à leur structure. De grosses vannes de recyclage, des appareils de dessalage et des hublots circulaires couvraient les cloisons. Le ponton d’amarrage sous-marin avait été nettoyé ; un petit submersible ovoïde doté de bras mécaniques y était attaché.

Cilghal lui fit signe de descendre.

      L’entrée est en dessous, dit-elle.

Les jeunes femmes trouvèrent une ouverture sous la coque. Cilghal pénétra la première dans le champ de force et Leia la suivit, se cognant les épaules contre les lèvres de métal. Une fois à l’intérieur, elle arracha le symbiote, secoua ses cheveux et contempla la retraite d’Ackbar.

Ebahi, celui-ci bondit de sa couchette et dévisagea les deux apparitions.

Leia soupira de soulagement, puis hésita. Tous les discours qu’elle avait répétés s’envolaient. Ils s’observèrent un long moment, avant qu’elle trouve la force de parler :

      Amiral Ackbar, je suis heureuse de vous voir.

      Leia, dit Ackbar, tendant les mains puis les laissant retomber. (Il se tourna vers Cilghal.) Ambassadrice, nous nous sommes déjà rencontrés deux fois, je crois ?

      C’était à chaque occasion un honneur, amiral, répondit la Calamarienne.

      S’il vous plaît, appelez-moi Ackbar. Je ne mérite plus ce grade.

Les quartiers de l’extraterrestre étaient un étrange mélange d’organisation et de désordre, comme s’il avait méthodiquement commencé à nettoyer le chaos.

      Je viens de préparer à manger. Voulez-vous vous joindre à moi ? Je n’insulterai pas un Jedi en puissance en demandant comment vous m’avez retrouvé, mais j’aimerais savoir… Qu’est-ce qui vous a poussée à faire le voyage ?

 

Leia termina son bol de ragoût de poisson, puis se lécha les doigts pour déguster les épices calama-riennes.

Elle avait passé le repas à rassembler son courage ‒ Ackbar lui reposa la question avant qu’elle se lance.

      Leia, vous ne m’avez toujours pas dit pourquoi vous êtes ici.

La jeune femme se redressa, prit une longue inspiration et se lança :

      Pour vous parler, amir… Ackbar. Et pour vous poser la même question. Pourquoi êtes-voMs ici ?

      C’est ma maison.

      C’est votre patrie, oui… mais d’autres attendent votre aide. La Nouvelle République…

      Mon peuple a besoin de moi, dit Ackbar. Il y a eu tant de destructions. Tant de cadavres…

Leia se demanda s’il parlait des attaques impériales sur Calamari ou de la catastrophe de Vortex.

      Mon Mothma est en train de mourir, dit-elle brusquement.

Ackbar tourna vers elle des yeux fatigués.

      Comment en êtes-vous certaine ?

      Une maladie dégénérative est en train de la détruire. Les droïds médicaux ne parviennent pas à découvrir ce qui cloche. Elle va très mal… Nous avons besoin de vous, amiral.

      Navré, Leia, dit Ackbar en secouant la tête. J’ai un travail important en cours. La croûte de notre planète devient instable et je dois réunir plus d’information sur le phénomène. Mon peuple est peut-être en danger. Il n’y aura plus de morts à cause de moi.

Cilghal tournait la tête de droite à gauche, suivant la conversation comme une partie de ping-pong.

      Amiral, votre mauvaise conscience ne vous autorise pas à abandonner l’Alliance. Dans toute la galaxie, des vies sont en jeu.

D’un geste, Ackbar tenta de faire taire Leia :

      Il y a tant de travail… je ne peux le différer plus longtemps. J’allais justement installer de nouveaux détecteurs sismiques. (Il se dirigea vers une étagère emplie de matériel électronique.) Laissez-moi en paix.

      Nous vous aiderons à installer vos détecteurs, dit Leia avec fermeté.

Ackbar hésita, puis se tourna vers ses invitées.

      Je serai honoré de votre aide. Mon sous-marin peut nous transporter tous les trois. (Ses gros yeux tristes clignèrent.) J’apprécie votre présence, même si ce que vous demandez est pénible à entendre…

 

La mer avala le petit sous-marin. Attachée sur l’un des sièges du submersible, Leia admira la dextérité d’Ackbar, qui manœuvrait autour des piliers de corail de la forêt aquatique.

Les plantes carnivores fleurissaient, chatoyantes de bleus et de rouges, espérant attirer les créatures qui vivaient dans leur écosystème. Quand un petit poisson approchait trop près, les pétales se refermaient sur lui et l’avalaient.

      Je viens de déployer mon réseau sismique, dit Ackbar pour changer de conversation.

Cilghal inclina la tête.

      Je suis heureuse, pour notre planète, du travail essentiel que vous réalisez.

      Il est important de réussir quelque chose dans sa vie.

Leia se racla la gorge et, d’une voix amicale, reprit la parole.

      Ackbar… Je sais ce que vous ressentez. J’étais là, vous vous souvenez ?

      Vous êtes gentille, Leia. Mais vous ne comprenez pas. Vous ne pilotiez pas l’aile B ; vous n’êtes pas responsable de centaines de morts. (Il secoua la tête avec tristesse.) Vous n’êtes pas réveillée toutes les nuits par leurs hurlements.

Ackbar alluma les phares du submersible. Le cône de lumière attira des centaines de poissons colorés.

      Vous ne pouvez vous cacher sur Calamari jusqu’à la fin de vos jours.

      Je ne me cache pas. Je travaille. Ma tâche est vitale.

      Ce travail est important, dit Leia, mais ce n’est pas votre travail. Innombrables sont les Calamariens qui seraient heureux d’aider à vos recherches. Vous souvenez-vous de votre proverbe ? De nombreux yeux voient ce qu’un ne peut voir seul. Vous devez partager vos craintes avec des spécialistes.

Cilghal les interrompit, désignant dans l’eau des sections de métal incurvées semblables à la coque déchirée d’une navette de secours.

      Qu’est-ce donc ?

Les bords étaient rouillés ; les algues s’accrochaient aux parois pour se développer.

      Un vaisseau écrasé, peut-être, répondit Ackbar.

      Quand les Impériaux ont voulu nous réduire en esclavage, nous nous sommes défendus avec rage, ajouta Cilghal. Beaucoup de leurs vaisseaux reposent ici.

Ackbar manœuvra le bras mécanique du sous-marin.

      Si cette épave est stable depuis des années, elle constitue un endroit approprié pour implanter un nouveau groupe de détecteurs.

      Amiral, vous avez aidé à commander une bande de Rebelles issus d’une centaine de mondes différents ; vous les avez transformés en une flotte unie capable de battre l’Empire… et vous les avez guidés quand il a fallu former un nouveau gouvernement.

Ackbar laissa dériver le sous-marin et se tourna pour croiser le regard de Leia. La jeune femme enchaîna, espérant couper court à ses arguments :

      Au moins, revenez avec moi sur Coruscant et parlez à Mon Mothma. Nous faisons partie de la même équipe depuis tant d’années, vous et moi. Vous ne pouvez regarder de loin la Nouvelle République s’écrouler.

Ackbar soupira, puis reprit les commandes.

      Il semble que vous me connaissiez mieux que je ne pensais. Je…

Une alarme stridente retentit sur le tableau de bord. Le Calamarien ralentit le sous-marin.

      Intéressant, souffla-t-il en regardant dans le stéréoscope.

      Qu’est-ce que c’est ?

      Un second objet métallique est emmêlé dans les algues, juste au-dessus de nous.

      Peut-être un morceau du vaisseau écrasé ?

      Une chose tombée dans la forêt d’algues peut disparaître pour l’éternité, ajouta Ackbar.

Discernant la silhouette aux nombreuses jambes enveloppées de plantes aquatiques, Leia pensa d’abord à une forme de vie extraterrestre. Puis elle reconnut la tête elliptique, le corps segmenté, la coque camouflée…

      Amiral… commença-t-elle.

      Je le vois, dit Ackbar. Robot sonde série Arakyd Viper. L’Empire en a envoyé des milliers dans tous les coins de la galaxie pour découvrir les bases Rebelles.

      Il a dû se poser sur Calamari il y a des années. Les épaves que nous avons vu tout à l’heure sont les débris de son cocon d’atterrissage.

      Quand la sonde a essayé de rejoindre la surface, elle s’est emmêlée dans les algues. Elle a dû cesser de fonctionner…

Il fit approcher le submersible.

Le cône de lumière frappa la tête du droïd… et sa banque de senseurs se mit à clignoter.

      Elle s’est activée ! cria Leia.

La tête de la sonde tourna, son propre projecteur se braquant sur le sous-marin.

Ackbar lança les moteurs en marche arrière mais, avant que le véhicule ne puisse bouger, la sonde avança vers lui comme une gigantesque araignée de mer. Les bras mécaniques s’accrochèrent à l’un des ailerons. La tête tournait, cherchant à positionner ses lasers de combat, mais les algues gênaient son mouvement.

Usant de toute la puissance des moteurs pour se dégager, Ackbar ne réussit qu’à libérer la sonde et à l’entraîner avec lui.

Les haut-parleurs du sous-marin crépitèrent d’un flot de statique épouvantable. Leia se boucha les oreilles.

Le droïd réussit à tourner la tête et braqua ses canons-lasers sur le cockpit. Ackbar alluma les moteurs latéraux pour essayer de secouer le robot, puis passa la main droite dans la commande du bras mécanique.

Au bout de l’excroissance métallique, le minuscule laser de découpe s’alluma. Sa pointe sectionna les griffes de métal du droïd comme si elles étaient en plastique et les libéra. Le submersible recula ; Ackbar aligna le laser.

La sonde se retourna pour tirer.

Leia savait qu’ils n’avaient aucune chance. Leur laser ne pouvait rien contre du matériel de guerre, surtout à une telle distance. Et, contrairement à Luke, elle ne pouvait utiliser la Force pour se protéger, elle et ses amis. Ackbar visa, tira deux fois, essayant d’aveugler les senseurs.

Le faisceau frappa sa cible…

L’explosion de la sonde fut complètement inattendue. Les ondes de choc envoyèrent valser au loin le sous-marin ; Leia sentit son harnais de sécurité se resserrer autour d’elle. La coque résonna comme un gong… Une multitude de bulles les entoura et de larges débris de métal et d’algues tombèrent au fond de l’océan.

      La sonde s’est auto-détruite, chuchota Cilghal. Nous n’avions pourtant pas une chance !

      Elle ne le savait pas, dit Ackbar. Elle est programmée pour exploser avant de tomber entre des mains ennemies.

Le Calamarien réussit à stabiliser l’appareil. Les bras mécaniques avaient été arrachés, ne laissant que des morceaux de métal tordus et des circuits nus. Vidant les ballasts, il fit remonter le sous-marin à la surface.

Leia remarqua trois fissures sur la verrière – ils avaient été à deux doigts d’être pulvérisés par l’onde de choc…

      La sonde a envoyé son message, dit Cilghal. Nous l’avons entendu dans les haut-parleurs avant qu’elle ne saute.

Leia sentit une boule au creux de son estomac, mais Ackbar tenta de relativiser le danger.

Cette sonde est là depuis plus de dix ans. Le code est ancien et obsolète. Même si les Impériaux pouvaient comprendre le message, qui donc serait en mesure découter ?

Sombre disciple
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